Le métier d’avocat est le fruit d’une longue évolution, dont les origines apparaissent dans l’Antiquité. Depuis, la profession a connu et connaît encore de nouvelles métamorphoses. Le terme d’avocat provient étymologiquement de vocatus ad qui signifie « appelé pour ». C’est celui qui assiste autrui en justice.
Dans l’Antiquité : Existence de logographes, avocats de l’ombre.
Dans la Grèce Antique, les accusés étaient contraints de se défendre seuls, en application du Code de Solon (591 av J.C.). Ils étaient autorisés, toutefois, à faire rédiger leur discours par un logographe / écrivain public, qualifié de Grand Orateur. La profession d’avocat n’existait donc pas en tant que telle mais l’idée de défense d’autrui est née en Grèce et à Rome : Cicéron en est le plus connu.
Au Moyen-Âge : L’apparition de l’avocat.
Justinien 1er, empereur byzantin, crée l’ « Ordre des Avocats ». L’élaboration de règles déontologiques prendra plusieurs siècles.
L’avocat est chevalier es-lois, il est assimilé aux chevaliers militaires car il combat lui aussi pour défendre les pauvres et les humiliés, figures de Jésus-Christ. L’avocat se recrute au début parmi les ecclésiastiques seuls versés dans la connaissance des lois et notamment dans le droit romain.
Mais, très rapidement, la profession est exercée par des laïcs, tout en continuant de revêtir une dimension religieuse incarnée notamment par un avocat devenu pape : Clément IV (1265-1268) et par Yves HELORY (1253-1303) devenu Saint-Yves dès 1347 et qui est aujourd’hui le patron des hommes de loi.
Les Etablissements de Saint-Louis posent les premières règles déontologiques des avocats.
Les avocats doivent prêter serment et jurer sur les saints évangiles. Ce serment précisé en 1344 sera en usage dans la profession jusqu’en 1810.
L’avocat a également droit au titre de « Maître » à l’instar des ecclésiastiques qui ont fait des études de théologie ou de droit canon.
En matière judiciaire, la personne poursuivie doit pourtant se défendre seule. La justice est rendue au nom du seigneur local et l’ordalie est pratiquée.
Exemples d’ordalies :
- l’ordalie par le fer rouge consistait à porter une barre de fer rougie sur neuf pas. La main était par la suite bandée dans un sac de cuir scellé par le juge. Pour savoir si l’accusé était coupable ou innocent, on regardait trois jours plus tard l’évolution de la plaie. Si la plaie était « belle », donc bien cicatrisée, cela prouvait l’innocence. Une vilaine plaie prouvait la culpabilité, la sentence étant proportionnelle à son état. C’est de cette pratique que viendrait l’expression « mettre sa main au feu » lorsqu’on est sûr de son fait ;
- l’ordalie par l’eau bouillante, variante de celle de l’épreuve du fer rouge. L’accusé devait plonger son bras dans un chaudron bouillant, et ramener le caillou ou plus souvent l’anneau béni qui s’y trouvait. Une fois de plus, on bandait le bras brûlé et on vérifiait l’état de la plaie quelques jours plus tard ;
- l’ordalie par le feu. L’accusé devait traverser deux bûchers entrecroisés sans se brûler, afin de prouver son innocence ;
- l’ordalie par l’eau froide. L’accusé (épreuve souvent appliquée aux sorcières) était plongé dans une eau froide bénite (souvent une rivière). S’il coulait c’est qu’il était « reçu » par l’eau bénite et donc était innocent, si le corps flottait cela prouvait sa culpabilité. Montesquieu rapporte que la plupart des femmes accusées de sorcellerie étaient âgées, frêles, voire squelettiques car vivant en marge de la société. Elles avaient donc tendance à flotter ;
- l’ordalie du fromage et du pain. On gavait l’accusé de fromage et de pain. S’il n’arrivait pas à avaler, s’étouffant, il était coupable, d’où l’expression « rester en travers de la gorge. Le fromage peut être remplacé par l’hostie : en 868, le concile de Worms recommande aux évêques de remplacer le fromage par une hostie consacrée lorsqu’il s’agit de prêtres accusés.
Un sac à procès d’une affaire d’héritage
De la Renaissance à la Révolution : L’émancipation.
Les avocats participent à la codification des « coutumes » afin d’harmoniser les lois du royaume. Le bâtonnier est désormais laïc. En matière judiciaire, la personne poursuivie n’a toujours aucun droit : elle est soumise à la torture et doit se défendre seule.
Connaissez-vous le sac à procès ?
Avant la Révolution, toutes les pièces concernant une affaire soumise à la justice sont réunies dans un sac. Une fois l’affaire terminée, le sac est pendu dans le Cabinet de l’avocat à un crochet fixé dans le mur ou au plafond. Le sac à procès a disparu, remplacé par le dossier ou la chemise des papetiers; mais il demeure dans notre langue courante : L’affaire est dans le sac ».
De la Révolution à la IIIe République : Une évolution en dents de scie.
La Révolution atteint également la profession d’avocat. Au début, la torture est supprimée et les avocats peuvent assister à l’instruction d’une affaire et à la plaidoirie mais ils doivent garder le silence. Puis, la suppression des associations entraîne l’interdiction des Ordres d’avocats. Chacun peut plaider. Au cours du XIXe siècle, les avocats reconquièrent leur indépendance : la profession est rétablie ainsi que les Ordres. Une immunité est accordée à l’avocat plaidant et il acquiert le statut le statut de profession libérale.
De la IIIe République au XXe Siècle : La République des avocats.
En France, sur vingt-trois Présidents de la République, onze ont été avocats. En décembre 1900, Jeanne CHAUVIN est la deuxième femme à prêter serment, après avoir essuyé un premier refus en 1897. Elle sera la première femme à plaider en 1907.
Fille de notaire, orpheline à 16 ans, brillante élève, elle réussit deux baccalauréats – Lettres et Sciences,- deux licences – Droit et Philosophie – et est reçue docteure en Droit. Elle est la deuxième femme de France à obtenir une licence de droit en 1890 et la première Française[à soutenir son doctorat en Droit en 1892, qu’elle consacre à l’Étude historique des professions accessibles aux femmes et où elle affirme que c’est notamment sous l’influence de la Bible et du catholicisme qu’a été introduite et consolidée l’inégalité juridique entre les hommes et les femmes. Elle y revendique pour la femme l’égalité tant dans son éducation que dans l’accession à toutes les professions, aussi bien privées que publiques.
Mais ses idées sont contestées : lorsqu’elle se présente devant le jury du Doctorat, des étudiants envahissent la salle, chantent La Marseillaise et déclenchent un vacarme tel qu’il faut ajourner la soutenance. Quelques jours plus tard, elle est reçue docteur en droit à l’unanimité des membres du jury.
Elle est alors chargée de dispenser des cours dans plusieurs lycées parisiens pour jeunes filles, mais n’oublie pas son combat féministe.
Dès 1893, elle demande aux parlementaires d’accorder à la femme mariée le droit d’être témoin dans les actes publics ou privés ; d’admettre la capacité des femmes mariées à disposer des produits de leur travail ou de leurs industries personnels.
Le 24 novembre 1897, pourvue de tous les diplômes requis, – elle est titulaire d’un doctorat en droit et d’une licence ès lettres – elle se présente à la cour d’appel de Paris pour prêter le serment d’avocat. Elle essuie un refus qui lui est signifié le 30 novembre 1897, au motif que la loi n’autorise pas les femmes à exercer la profession d’avocat, exercice viril par excellence. Elle devra attendre trois ans, à la suite de pressions féministes, pour que Raymond Poincaré et René Viviani fassent voter la loi publiée au Journal officiel de la République française le 1er décembre 1900, permettant aux femmes d’accéder pleinement au barreau avec accès à la plaidoirie. C’est ainsi qu’elle peut prêter serment comme avocate au barreau de Paris le 19 décembre 1900, la deuxième après Mme Petit, qui a prêté serment le 5 décembre 1900. Jeanne Chauvin sera cependant la première avocate de France à plaider, en 1907.
La loi de décembre 1900 suscite une réaction misogyne importante aussi bien au Palais de Justice que dans le public. Certains juristes, comme le juge Paul Magnaud, applaudissent cependant à cette entrée des femmes dans la profession, espérant même qu’elles pourraient bientôt devenir magistrates.
Jeanne CHAUVIN
Evolution du nombre d’avocats en France au cours de l’Histoire :
Vers 1340, 51 avocats.
Vers 1530, 300 avocats.
Vers 1780, 600 avocats.
En 1830, 650 avocats au barreau de Paris.
En 1966, 3101 avocats au barreau de Paris.
En 2004, 42 609 avocats en France.
En 2008, 50 000 avocats en France.
Au 1er janvier 2014, on dénombrait 60 223 avocats.